L’INNOVATION COLLABORATIVE DANS TOUS SES ETATS

L’innovation collaborative, on s’y perd un peu. Je vous propose un panorama qui s’est construit de rencontres en expériences durant mon parcours professionnel. Les notions abordées sont complexes, polysémiques et ne cessent d’évoluer.  Libre à chacun de s’inventer, de cabrioler d’idée en idée, d’ouvrir de nouveaux interstices pour trouver sa voie. Si les besoins et les objectifs des organisations sont différents,  pour tous il est nécessaire d’évoluer, vital de ne pas s’isoler.

Avant de se lancer vous devez bien définir votre vision de l’innovation collaborative et la valider en interne, les imaginaires seront différents si vous êtes, un hôpital, une start-up, une collectivité, une grande entreprise, une PME.

Dans innovation collaborative il y innovation…Alors explorons un peu ce monde de l’innovation

Formes d’innovation selon le domaine d’application :

Le Manuel d’Oslo issue de l’OCDE, définit quatre formes d’innovation : les innovations de produit, les innovations de procédé, les innovations de commercialisation et les innovations d’organisation.

  • L’innovation n’est pas nécessairement technologique, elle peut être managériale, sociétale.
  • L’innovation est concrète et utilisable
  • L’innovation comprend plus ou moins de risques
  • L’innovation doit in fine produire une valeur

Pourquoi Innover :  Innover est nécessaire pour s’améliorer, s’adapter au changement et/ou durer face à la concurrence.

L’innovation a des ennemies :

  • La routine
  • la solitude
  • l’homogénéité

Selon le domaine d’application, innover est parfois long et couteux, c’est un investissement sur vos performances futures.  Il existe aussi des process plus simple, applicable facilement, on parle même parfois d’innovation frugale. 

Et la collaboration ?

Bien sur, la collaboration n’est pas née au 21S., collaborer c’est avant tout mettre l’humain au coeur des échanges, pourtant le terme d’innovation collaborative est assez récent.  

Internet a permis de nombreuses innovations technologiques qui ont augmenté la participation collective. Ces évolutions ont favorisé l’émergence d’un nouvel état d’esprit.

Dans ce système ou l’information est très accessible ou les contacts sont directs, la hiérarchie classique ne fonctionne plus. La hiérarchie verticale du savoir cède la place à une organisation plus horizontale.

Élus, directeurs, managers, créateurs, ceux dont le pouvoir reposait sur leur position hiérarchique doivent accepter de ne plus tout contrôler.  Nous devons intégrer ces changements qui passent par la création de nouveaux réseaux d’échange réciproques pour réorganiser les chemins de la créativité. L’idée qu’une seule personne détient tout le savoir et le pouvoir s’étiole.

Cette expérimentation du collectif s’essaime à tous les niveaux de la société dans tous les secteurs, avec la création de plateformes citoyennes, de collectifs, de communautés, de tiers lieux, et les outils de co création, de co financement…  Politique, économique, artistique, tous les pans de la société sont ébranlés.

Cette transformation bouscule nos repères et nos fonctionnements provoquant incertitudes et stress au moment où nous devons faire face à de nombreux défis sociétaux. Lors de la crise sanitaire les nombreuses initiatives portées par des collectifs ont soutenu l’hôpital et l’industrie. Par leur capacité à agir vite ces collectifs ont démontré que le groupe résiste mieux aux crises et que l’innovation émerge de l’intelligence collective.  

L’innovation collaborative pose aussi des questions, que je ne traiterais pas, sur  la rémunération individuelle dans un collectif, des questions juridiques, de droits d’auteurs, ou l’organisation des gouvernances qui restent des sujets sensibles et parfois encore à inventer

Alors commençons pas visiter les lieux de l’innovation collaboration au travers d’un petit lexique des tiers lieux et mode de travail collaboratifs

C’est l’université du MIT, dans le Massachusetts, qui est à l’origine de plusieurs de ces concepts. En 20 ans ces lieux se sont engagés dans une dynamique collective via de nombreux collectifs nationaux et internationaux.

Sur le territoire national, la cartographie de PRIMA TERRA, explique très bien la complexité des interactions.

Vue de l’extérieur tous ces lieux semblent se ressembler, mais pour ceux qui les expérimentent il peut y avoir de vraies différences qui s’expriment dans la gouvernance, l’accessibilité, l’activisme, l’ambiance et les objectifs du lieu. Ils partagent un esprit de culture libre et open source.

Tiers lieux : C’est l’autre lieu, pas à la maison, pas au travail, ce lieu essaie de réunir des caractéristiques d’accueil et les objectifs concrets.Il y a de nombreuses initiatives, polymorphes, structurées ou totalement libre, sur les territoires, en ville ou à la campagne, dans tous les secteurs. Les tiers lieux se sont des espaces de co-working, des maker-space, fab lab, resssourceries, garages,  ou jardins partagés.

Cela semble être le mot générique qui nomme tous ces nouveaux espaces plutôt physiques ou l’on se rencontre par affinités et objectifs communs, avec des compétences variées et des parcours différents qui ne nous auraient probablement pas permis de collaborer pour faire ensemble.

Un autre terme générique est open lab : En effet certains tiers-lieux peuvent être des laboratoires où l’on teste de nouveaux modes de vie, de travail ensemble dans une logique d’ouverture et de partage. Les open lab ont favorisé l’émergence de l’open-innovation, la disruption, du crowdfunding, de l’idéation, de l’holacratie…

Les open labs constituent un lieu physique et une démarche portée par des acteurs divers, en vue de renouveler les modalités d’innovation et de création par la mise en œuvre de processus collaboratifs et itératifs, ouverts et donnant lieu à une matérialisation physique ou virtuelle. “ (Valérie Mérindol 2016)

“Les open labs sont autant un dispositif pour développer de nouvelles approches de l’innovation qu’un vecteur de transformation des organisations. “ (cf livre blanc des open lab)

Les espaces de co working : Le plus connu des tiers lieux, les espaces de coworking il s’agit d’espace de travail partagé mis en place dans le but de favoriser les échanges et les synergies entre les entrepreneurs ou salariés qui sont présents. Ces espaces évitent l’isolement des entrepreneurs solos, permettent la mutualisation des outils et contribuent pour les salariés d’entreprises à réduire leur déplacement. Ces personnes n’ont pas toujours d’intérêt commun mais “l’effet machine à café“ peut générer des synergies.

 

Hacker space : Ce sont des lieux de rencontre, d’expérimentation et de conception collective ou l’on partage librement des connaissances techniques et scientifiques entre personnes qui ont un intérêt commun et le gout du challenge créatif. Ce lieu plus ou moins organisé permet de créer une synergie collective pour pouvoir réaliser des objets ou projets en coopération. Initialement plutôt tournés vers la création de logiciels aujourd’hui de nombreux hackers space comme les makers space ou les fablab mettent à disposition de l’outillage et des machines. On trouve dans le même esprit hacklab, makerspace et hackspace.

Makerspace : Les makerspaces sont des lieux où les visiteurs en autonomie et avec l’aide des autres fabriquent à partir de technologies et de machines.

Les FabLabs font aussi partie de cette famille où ils cohabitent avec les Techshops et les Hackerspaces notamment.

Fablab : C’est un chercheur du célèbre Institut de technologie du Massachusetts, Neil Gershenfeld, qui dans les années 2000 a inventé le concept de “Laboratoire de fabrication“

Mais alors, quelles différences entre un Fablab et un makerspace ? 4 critères doivent être respectés pour devenir un fablab :

Le terme de FabLab est une marque déposée avec une charte, c’est devenu un nom commun pour nommer tous les lieux d’innovation mettant des outils et des machines à la disposition du public, sans critères de sélection. Chacun est libre d’appeler son lieu un “fablab” et de rejoindre le réseau, sous réserve de respecter les clauses de la charte des FabLab, en d’en faire la demande. Depuis, des fab lab se sont installés aux quatre coins du monde et le réseau continue de se développer.

  • Accessibilité : le FabLab doit être ouvert au public gratuitement
  • Engagement et adhésion à la charte des FabLab
  • Partage d’outils et de processus commun dans le but de collaborer
  • Participation au réseau international des FabLab

Des exemples : 

Ces modèles souples et mobiles, basés sur la coopération ont rapidement attiré l’attention des institutions, de l’enseignement supérieur et des entreprises.

Ces open lab considéré comme générateur de nouvelles formes de conception sont parfois hybrides mélangeant plusieurs univers et structures, ou parfois internes à l’organisation. On trouve des labs dans tous les domaines, aussi bien dans des entreprises industrielles que dans les services, l’enseignement ou sur les territoires qui cherchent à se renouveler.

Le rôle des open labs dans le processus d’innovation des organisations :

Dans un environnement changeant et compétitif, les grandes entreprises doivent acquérir de nouvelles compétences organisationnelles et accroitre leurs capacités d’innovation. 

L’innovation ne repose plus uniquement sur les services, de recherche et développement, d’ingénierie et de management de la technologie, marketing. L’open lab casse les silos des organisations traditionnelles ou chacun fonctionne avec des périmètres définis par métier, il bouscule les habitudes et les hiérarchies. 

Les lab servent à designer ou co-créer de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux process, qui seront prototypés et testés. Il s’agit de favoriser l’innovation ouverte, partager les réseaux et impliquer les utilisateurs dès le début de la conception.

 

Le silo se meurt vive le collaboratif :

Les Laboratoires d’Innovation Ouverte :

Ils offrent des espaces ou les individus peuvent mobiliser des outils et méthodes pour développer leur créativité et prototyper leurs idées. Le management de ces dispositifs pour une structure est complexe, car il obéit à un principe de liberté qui se trouve parfois en contradiction avec le management de la structure.

Le processus créatif d’un groupe est rarement spontané, il doit être organisé, nourri, poussé dans une certaine tension.   Le Lab va expérimenter des approches différentes avec des outils de créativité, comme l’intelligence collective, le design thinking, des méthodes agiles et open source. Chaque groupe projet s’autodétermine, s’évalue, se motive et va chercher les moyens de faire exister son projet. On trouve de très nombreux lab en entreprises, Air Liquide, Snecma, SNCF, La Poste, Alcatel, Dassault, PSA, SEB…

Un Living Lab, l’abréviation pour « Living Laboratory » :

Le concept de Living Lab est né à la fin des années 1990 au Media Lab du MIT et il est également labélisé. Il proposait une nouvelle méthodologie de recherche pour répondre aux enjeux d’innovation associés à l’utilisation, souvent peu conviviale, des technologies de l’information et de la communication par les consommateurs.

Dans un contexte européen, Caillet (2010) précise qu’un Living Lab permet, grâce à des méthodes de recherche centrées sur l’utilisateur, dans un environnement familier authentique (le territoire réel), d’identifier, d’évaluer et de vérifier en temps réel des solutions multidimensionnelles dans les domaines sociaux, économiques et de développement des territoires. On trouve souvent dans ce type de lab des partenariats public privé. 

 

L’origine des initiatives :

Deux types d’initiatives sont identifiées, bottom up et top down, ascendante et descendante

  • En effet certains open labs d’entreprise reposent sur des initiatives poussées par la gouvernance alors que d’autres sont installés par les salariés.
  • Sur les territoires on retrouve la même typologie,  certains comme les makerspace sont créés par des utilisateurs. Cependant il est de plus en plus fréquent de trouver des laboratoires d’innovation territoriale poussés par les puissances publiques.

Pour compléter le descriptif de l’innovation collaborative il est important de ne pas oublier le rôle des communautés mis en avant par Benoit Sarazin, Patrick Cohendet et Laurent Simon dans leur livre sur les communautés d’innovation. En effet l’innovation technologique comme l’innovation sociétale, ne passent plus par les canaux traditionnels. La création d’une communauté d’innovation, permet d’imaginer de nouvelles pratiques, organise l’innovation et facilite l’adhésion lors de la mise en œuvre.

Les communautés d’innovations :

Benoit Sarazin, Patrick Cohendet et Laurent Simon :  “Une communauté d’innovation c’est un groupe informel constitué, soit de membres internes aux entreprises, soit de membres externes (utilisateurs des produits et services de ces entreprises, groupes informels virtuels partageant un intérêt commun, etc.). Ces groupes informels jouent de plus en plus le rôle de véritables unités actives du processus d’innovation, grâce auxquelles les idées créatives émergent, sont validées, sont testées, et sont mises en œuvre.

Plusieurs types de communautés

  • Les communautés de pratique
  • Les communautés d’utilisateurs
  • Les communautés virtuelles
  • Les communautés d’intérêt
  • Les communautés épistémiques
  • Les communautés internes et externes à l’organisation

Les acteurs d’une communauté ont des profils très variés, la diversité des profils est une richesse. Ils confrontent leurs idées et leur savoir avec bienveillance. Le cadre défini par le facilitateur permet de travailler en confiance sans prise de pouvoir. Les entreprises privées, Renault, L’Oréal, Salomon, Décathlon, Michelin, utilisent ce modèle pour évoluer. La communauté peut-être externe, interne ou mixte, à la structure.  Les objectifs sont concrets et les participants choisissent de participer. Les échanges sont codifés mais l’organisation doit rester simple.

 

En conclusion :

L’innovation collaborative ce n’est pas :

  • Une multiplication des réunions
  • Une perte de temps
  • Un joyeux bazar
  • Des discussions sans fin
  • Une prise de pouvoir

L’innovation collaborative c’est :

Un groupe qui partage des valeurs avec une attitude positive orientée solution.

Bienveillance des participants – Désir de travailler ensemble – Diversité des profils – Respect des consignes – Problématiques claires – Confrontation d’idées – Echange de savoirs

C’est un équilibre entre une organisation souple et informelle et un cadre avec des techniques d’animations qui permettent de développer la créativité.

Toutes les structures peuvent bénéficier de l’apport de l’innovation collaborative. Si l’organisation d’un lab n’est pas toujours réalisable, la mise en place d’ateliers d’intelligence collective, de séminaires ou d’échanges conduit par un facilitateur, la création ou la participation à des communautés, à des labs externes, sont accessibles à tous.

Les organisations ont un intérêt à s’ouvrir sur l’extérieur, pour bénéficier de l’apport en connaissance de leurs utilisateurs et de leurs fournisseurs…  En interne favoriser la coopération, la transversalité et la simplification, facilite la communication et augmente la performance.  La collaboration c’est avant tout un état d’esprit, une envie.

« Il n’y a jamais de consensus préalable à l’innovation. Toute innovation transformatrice est d’abord une déviance » Edgar Morin